En attente d'un réel processus de modernisation
En 2008, des experts de Planète Bois ont participé à l’évaluation ex-post d'un programme national de grande ampleur sur la mise à niveau énergétique des hammams marocains.
De nombreuses faiblesses dans cette démarche de modernisation des hammams urbains sont apparues :
Une remise à plat nécessaire
Planète Bois a donc entrepris de démontrer qu’une toute autre approche basée sur un concept de société de services énergétiques doit permettre de pallier les blocages actuels:
Concernant la qualité de l'équipement destiné à des établissements publics très fréquentés, il est préférable de s'appuyer sur le tissu industriel existant au Maroc pour réaliser un véritable saut technologique sans non plus chercher à introduire de l'extérieur des équipements clés en main afin de garder une maîtrise locale de la modernisation de ce secteur tertiaire.
La première étape : transférer le savoir faire technologique chez un chaudronnier industriel pour produire une chaudière bois bûche HPEE. L’ADEME a financé une partie de l’expertise nécessaire. Après un travail de diagnostic et de dimensionnement pour bien connaître la disparité et les besoins des hammams urbains, un modèle de chaudière HPEE a été conçu avec son système hydraulique dédié, produit au Maroc et validé en 2012 sur banc de test. Les performances obtenues situent cette chaudière dans le haut de gamme des chaudières bois bûche produites en Europe (performances énergétique et environnementale).
La seconde étape : démontrer les performances et la faisabilité d’usage en conditions réelles dans un hammam pilote.
Le GERES disposant d'une structure relais au Maroc a alors été sollicité pour l'étape de validation de l'innovation technologique dans un hammam pilote sur Casablanca. La chaudière et son système hydraulique ont été installés fin 2012 dans le hammam pilote.
La modernisation du parc des hammams urbains marocains s’inscrit dans une démarche de développement durable avec des enjeux économiques, environnementaux, sociaux conséquents.
Enjeux économiques
Cette nécessaire modernisation concerne 5 à 6 000 hammams (il n'existe pas de réelle base de données quantitative et qualitative à l'échelle nationale) représentant environ 30 000 emplois directs et indirects, générant un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros annuels. La marge bénéficiaire des propriétaires de hammam diminue sensiblement ces dernières années notamment avec un coût du bois croissant représentant plus de la moitie des charges d‘exploitation. Une entrée à 10 MAD (~1 €) sera difficile à tenir dans les années à venir. Augmenter le prix de cette entrée va pénaliser en premier lieu les classes sociales les plus défavorisées qui fréquentent en majorité ces établissements de bains en période hivernale.
Enjeux environnementaux
Un hammam consomme en moyenne 300 tonnes de bois et 8 000 m3 d’eau. Pour pouvoir maintenir un prix d’entrée très bas sans moderniser les installations de production et de gestion de l’Eau Chaude Sanitaire (ECS), il faut ne pas payer le prix environnemental aujourd’hui pour le laisser aux futures générations marocaines.
Une partie du bois acheté est encore issu de forêts naturelles, il est d’ailleurs souvent de mauvaise qualité énergétique (encore très humide, Hb 40) car vendu au poids. Un client consomme autour de 5 kg de bois actuellement alors qu’un objectif de 1 kg de bois est tout à fait possible (usage de chaudière HPEE, gestion de l’ECS fournie par client, ..).
Outre une participation à la déforestation du pays, l’activité des hammams entraîne aussi un prélèvement important sur la nappe phréatique qui ne cesse de baisser ; la plupart des hammams disposent d’un puits pour obtenir une eau à bas coût.
Enfin, c’est la pollution atmosphérique par l’usage de technologies obsolètes qui a un impact plus rapide et visible sur les populations environnantes. Malgré l’emploi de hauts conduits de fumées (15 mètres) pour réduire les nuisances autour du hammam l’essaimage des particules fines en zone urbaine participe à une qualité de l’air dégradé.
Ce sont donc 1 million de tonnes de bois par an qui pourraient être ainsi économisées et 12 millions de m3 d'ECS non gaspillés.
Enjeux sociaux
Le maintien des hammams est aussi un enjeu social pour permettre à une frange de la population défavorisée d’accéder à un certain niveau de confort et d’hygiène notamment en période hivernale. Le hammam est aussi un marqueur important de la société marocaine jouant un rôle relationnel et cultuel primordial dans son quartier.
Les conditions de travail du « fornachi » (employé en charge de la chaufferie) avec une présence permanente de fumées nocives stigmatisent ce travail où les maladies pulmonaires sont communes.
Les employés des hammams doivent donc trouver leur intérêt direct dans la modernisation des hammams (meilleure rentabilité donc à espérer un meilleur revenu et meilleures conditions de travail).
Le test dans le hammam pilote devrait se réaliser durant l'année 2013 pour mesurer les performances en conditions réelles, valider les données technico-économiques pour définir les temps de retour de l’investissement (entre 2 et 3 ans).
Sur cette base, une étape de prédiffusion sur une vingtaine de hammams est programmée pour affiner les outils de dimensionnement, le système de société de services (livraison du bois, système d’abonnement pour échelonner l'investissement initial, système de maintenance-entretien, accompagnement nécessaire des « fornachi », système de gestion de l’ECS délivrée par client plus rationnel, …).
L’approche qui semble la plus prometteuse est une approche par ville avec un comité dédié permettant de valider une série d’innovations (label Hammam durable, modalités de paiement à la quantité d’ECS consommée, usage de bois géré, appui à l’implantation de plateformes de stockage-séchage de bois pour hammams et boulangeries, mesures incitatives, ..).